Entretien avec B Bruyat  de l'OPDLM initiateur du "1er Forum national de la démocratie."
 
Ces rencontres entre les" gens de peu"  que nous sommes seront des rencontres auto-gérées sans aucun financement publique ou chacun apportera ( bénévolement) et en toute indépendance ( en dehors de tout militantisme  ) sa réflexion sur comment "rendre visible le réel" dans les ateliers et débats sur  la  "démocratie"
 
Je tiens à préciser que nous bénéficions de l'écoute de la Municipalité , de la CC Rhône-Helvie , de la Médiathéque et de l'aide  concrète du Centre Social et Culturel  où nous avons un trés  bon contact  avec l'ensemble de ses animateurs. 
 
 Ces rencontres seront aussi celles de l'ouverture d'un "Village des possibles" un " lien " de toutes nos différences .
 
Déjà bon nombre de chercheurs indépendants viendront animer des ateliers sur de nouvelles  façons possibles de vivre ensemble. 
 
Une salle sera consacrée à un atelier d'écriture et d'écoute sur un projet de CONSTITUANTE où les "gens de peu" pourront s'exprimer sur leur vision d'un avenir commun. 
 
Il sera proposé par les intervenants :
par  quel moyen peut-on tendre vers une démocratie réelle? , femmes et démocratie , le coéficient de Gini (étude des inégalités ), la créativité au quotidien , notes pour l'exploration psycho géographique d'un nouveau monde,  Il n'y a pas d'handicap, il n'y a que des différences , une société sans école , proposition pour une démocratie  , vivre bien ensemble , démocratie évolutive , tarification au prorata du pouvoir d'achat , revenu inconditionnel d'existence , comment RE(faire société ) . replacer notre émancipation dans une perspective sécessionniste , vivre et habiter ...
 
Plus Localement :
CRAC (cercle de réfléxion et d'accompagnement à la commune) , transports de proximité ,  covoiturage et stop participatif , troc, sel, et monnaie locales , jardins partagés , souveraineté alimentaire et circuits courts ...
 
 
Démocratie dans le monde :
Deux soirées projections débat :
Le Vénezuela avec Lester Guevara
Le combat des Mapuches au Chili avec Juan (indien mapuche)
 
 
Les ateliers auront lieu dans 5 salles Du centre Social Culturel du TEIL les 18 et 20 Mai :
 
de 10H à 12H30 et de  15H à 17H30 et "la démocratie au local"  de 18H à 20H30
La restitution des ateliers se fera le lundi 20 de 10 H à 12 H 30
 
Mais aussi d'autres rencontres-débats auront lieu dans les AGORA qui se tiendront dans le" village des possibles"
 
Nous proposons aux associations locales et aux habitants de la Commune du Teil et des communes environnantes d'organiser les temps festifs , l'hébergement et l'acceuil des participants et visiteurs ; ce sera l'occasion  de démontrer que la chaleur de l'acceuil n'est pas un vain mot dans cette Ardéche Rhodanienne...

 

Communiqué
 
Le Forum de la Démocratie (réelle et maintenant )est déja annoncé nationalement auprés de nos 20 000 correspondan-te-s  qui font suivre l'information.
 Nous avons déja obtenu des réponses favorables pour organiser  les conférence et pour animer les ateliers thématiques.
 
Les conférences que présenteront nos invités pourront ce répartir du 11 au  au 18 Mai dans les différentes  communes de La CC RH
 
Les ateliers auront lieu au Centre Social les 18 et 19 mai dans 5 salles  : matin de 10H à 12H30 et l'aprés midi 15H à 17H 30
 
 La réstitution de ces ateliers se fera en cloture le 20 mai à la salle AVON de 9H30 à 12H 30 afin de permettre aux participants éloignés de regagner l'aprés midi leur lieu de résidence.
 
Pour les locaux : l'aprés midi et en soirée de cette journée des spectacles tous publics seront organisés .
 
Le Camping du Teil sera  ouvert momentanément à partir du 11 MAI afin d'acceuillir les premiers arrivants du "VILLAGE DES POSSIBLES " .
  L'instalation et la vie dans ce Village des Possibles se fera en auto-organisation comme nous l'avons connu dans les villages ou nous étions présents .
 
Nous avons entrepris avec le Centre Social et différents groupes et habitants de la commune du Teil et de la CC RH une réflexion sur l'utilité d'une MLCA  (monnaie locale complémentaire ascendante) .
 
 Nous pensons mettre à titre expérimental cette MLCA pendant ces journées avec l'aide des commerçants , associations et habitants de ce bassin de vie.
 
Pour le coté festif de ces journées nous déléguerons et comptons sur les associations qui pourront comme les habitants de ce bassin de vie .
Pour plus d'nformations nous tiendrons une permanence au CENTRE SOCIAL  Place Jean MOULIN O7400 LE TEIL
O4 75 49 08 tous les jeudi de 13H30 a 18H

 

Existe-t-il des alternatives démocratiques à la délégation de pouvoir ?

                                                                          « Alternatives »



La première interrogation qui me vient, n’est-ce pas un mot valise ? Ce serait opposer alternative à alternance ? N’est-ce pas la succession de deux positions dont une seule est vraie ? Et revendiquer une autre alternative ne revient qu’à remplacer la précédente, sans compter que rester dans le contre n’est jamais que l’autre face de la même pièce. On ne change pas de logiciel et à force de pédaler le nez dans le guidon on ne se pose même plus la question du pourquoi on pédale.

La deuxième interrogation c’est que l’alternative qui peut advenir n’est peut-être pas celle à laquelle nous pensons implicitement, et qu’inconsciemment nous projetons dans nos discours imprégné(e)s, que nous sommes par une culture de gauche. L’histoire aurait un sens, tout retour en arrière serait impossible, effet cliquet, et nous irions à marche forcée vers un avenir radieux porté par le progrès infini dans une société harmonieuse ? Or la fin ne justifiera jamais les moyens.

Aujourd’hui, comme hier, dans l’hexagone comme au niveau européen au moins, démocratiquement, si nous accordons encore un tel qualificatif au régime institutionnel en vigueur, l’alternative risque de virer au brun tant les idées de compétition et de haine de l’Autre se sont banalisées. Ces dernières années nous assistons à la victoire idéologique de ces idées funestes via l’alternance autour de TINA des années Reagan/Thatcher et la porosité des camps en présence dans une société éclatée.

La troisième interrogation porte sur les alternatives et leurs convergences à priori selon l’idée que « l’union fait la force », complétée implicitement là encore par « l’union est un combat ». Derrière quelle chapelle ? Selon quel schéma porteur d’une seule voie/voix ? L’union ne conduit-elle pas à l’uniformité/uniformisation de la pensée tout en restant dans une logique concurrentielle ? L’uniformisation de gauche répondrait ainsi à celle de la globalisation capitaliste ?

Faut-il à priori converger ?

Le premier pas n’est-il pas de (re) faire société à travers une démarche ascendante, horizontale et non violente. Le (re) étant pris dans le sens d’aller à la racine des choses parce que nous voulons changer de société, et non pas changer la société.

(Re) tisser les liens, à partir de ce qui affecte les gens au quotidien et aller à la rencontre de l’Autre, pas à pas, sur la durée et  faire vivre nos paroles.

Retrouver nos racines, les questionner, et sortir ainsi de l’ethnocentrisme occidental, parce que chaque être humain est égal à l’Autre, chaque culture est égale à l’autre. Chaque être humain et chaque culture apportent leurs richesses en partage pour faire vivre le métissage à travers leurs entrelacements, tels ces rhizomes qui font éclater la roche. Pour se fédérer ensuite en restant à la fois attaché(e) à notre propre singularité et ouvert à l’Autre, pour croître en humanité chemin faisant.

Remettre en question nos modes de vie et notamment « le bien-être occidental » par une désaccoutumance à la consommation et à la  croissance pour vivre une sobriété joyeuse et partagée en harmonie avec nos écosystèmes sur une planète aux ressources finies et en prenant soin du devenir des générations futures.

Seuls les liens libèrent les êtres humains alors que les biens aliènent.



 « Alternatives démocratiques à la délégation de pouvoir » :

N’est-ce pas penser dans le cadre existant, sans se pauser pour prendre le temps du nécessaire questionnement ?

Vivons-nous aujourd’hui ici dans un régime démocratique, et là-bas ?



La démocratie se réduit-elle aux élections dont découle la délégation de pouvoir ? La démocratie est-elle seulement séquentielle ? Consiste-t-elle à  mettre ou ne pas mettre un bulletin dans l’urne tous les 5/6 ans ? Les majorités sont calculées en rapportant les suffrages obtenus par l’élu(e) aux suffrages exprimés, or si nous les rapportons aux inscrits nous nous situons autour de 25 à 30%, hors scrutin présidentiel.

Quelles sont les différentes légitimités à prendre en compte ? Nous soutenons que les gens classés sous les vocables «abstentions », «blancs et nuls» ; mais aussi les gens qui refusent de se prêter à ces joutes électorales, comme celles et ceux qui ne se réinscrivent plus sur les listes électorales suite à un changement de lieu de résidence, comme celles et ceux qui sont toujours privés du droit de vote malgré d’anciennes, et toutes nouvelles, promesses électorales sont aussi porteurs d’autres expressions, tout aussi légitimes.

Nous refusons d’être catalogué(e)s comme de doux rêveurs, voire plus souvent comme des inconscients ou des « je-m’en-foutistes ». Refuser aujourd’hui de se prêter à ce jeu de dupes est un geste éminemment politique car, en creux, il appelle à (re) construire, à partir de notre intelligence collective, d’autres formes d’organisations, d’autres règles pour (re)faire société.

Les représentant(e)s issues de ces élections se soucient-ils/elles de leurs mandants une fois élu(e) ou gèrent-ils/elles leur carrière professionnelle ? Cette professionnalisation de la vie politique, où la communication prend le pas sur les idées, est-elle compatible avec l’exercice de la démocratie ? Ne conduit-elle pas à un « entre gens » et au clientélisme par le cumul des mandats dans le temps et la fonction ? Fonction, augmentée, si on ose dire, par les différentes attributions octroyées de droit aux édiles dans différents organismes (exemple du maire qui est aussi président ou membre du conseil d’administration de l’hôpital). L’expérience des sortant(e)s devient un argument de la campagne électorale suivante et les médias dominants organisent la présélection des supposés prétendant(e)s crédibles via sondages et autres débats médiatiques.

Sans remonter aux calendes grecques, arrêtons-nous un instant à 2005 dans l’hexagone. Au cours de cette année là et avant le référendum portant sur le TCE (traité Constitutionnel Européen) la représentation nationale a voté une modification de la constitution la rendant conforme à ce traité. Pour la représentation nationale, et avec l’appui des médias dominants, il ne faisait aucun doute que ce traité serait adopté par le peuple, on connaît la suite. Précisons encore une chose à propos de ce référendum, celui-ci n’a été rendu possible que par le fait du président de la république d’alors, c’est-à-dire le fait du prince en quelque sorte !

Cependant ce que le peuple a chassé par la porte le 29 mai 2005, la représentation nationale réunie en congrès par un autre président a bafoué la décision populaire en faisant rentrer par la fenêtre le frère jumeau du TCE sous le nom de traité de Lisbonne.

Quel sens politique donner à cette représentation ? Si délégation de pouvoir avait un sens, et au-delà des positions défendues par les représentant(e)s politiques lors de la campagne électorale sur le TCE, la dite représentation se serait grandie en refusant le frère jumeau par simple respect du verdict populaire d’alors.

Combien de fois la constitution de la cinquième république a été modifiée via le congrès pour la rendre compatible avec les directives de l’Union Européenne ? Et dans le même temps les mêmes nous rabattent les oreilles sur le fait que la dite constitution est la table de la loi.

En Europe combien de fois des peuples ont été obligés de revoter jusqu’à ce que le verdict soit conforme aux vœux de la gouvernance globalisée ? Combien d’autres peuples ont été privés d’expression, les décisions étant prises par leurs représentant(e)s respectifs ?

Le prix Nobel de la paix attribué à l’UE et la cérémonie de remise du prix à l’aréopage qui se trouve en charge de la gouvernance est un pas supplémentaire dans le fait de mépriser les gens de peu d’ici et de là-bas, car l’UE c’est ce que l’on connaît en Europe et c’est aussi Ceuta et Melilla et la chasse sous nos fenêtres de différentes populations. Ce prix n’est pas le nôtre, c’est le prix de l’INDECENCE.

                                                        Pouvoir politique et son organisation ?

Ou plus sûrement pouvoir des milieux financiers et/ou économiques via les lobbies des transnationales qui ont bien plus de poids auprès des « responsables politiques » que l’expression des peuples. Qui a permis cette domination sans entrave de l’argent aux dépens du devenir des humains et de nos écosystèmes ? Qui a mis en place de telles super structures comme l’UE, le FMI, la BM, l’OMC,… via de lointaines délégations de pouvoir ? Que font aujourd’hui les pouvoirs politiques, mis à part s’auto proclamer décideurs pour masquer leur dépendance vis-à-vis de ce pouvoir occulte qu’ils ont mis en place, si ce n’est de faire appliquer la logique dictée par d’infimes minorités pour toujours accumuler plus, de rassurer les marchés et d’obéir aux notes d’officines privées. D’ailleurs on ne parle plus de démocratie mais de gouvernance dans cette globalisation capitaliste.

Et comme cela ne va pas de soi pour les peuples, le pouvoir politique complète son œuvre, si on ose dire, par la mise en place de la répression, de la surveillance, par la violence.

Pour prendre un exemple actuel le président du changement et son premier ministre, ex-maire de Nantes, initiateur obstiné de l’aéroport de Notre-Dame des Landes, lancent les forces de l’ordre, comme ils disent, pour déloger, y compris en grimpant aux arbres, des gens qui non seulement s’opposent à ce projet irrationnel et coûteux mais défendent aussi un écosystème fragile et des terres agricoles. Non seulement on casse les habitations 48 heures avant que la loi interdise les expulsions et on saccage aussi les potagers. Quel mépris ! Quelle misère morale de la richesse et de leurs suppôts !



Violence encore lorsque des Etats s’octroient le droit d’exporter la démocratie à coups de B52 et autres drones ou « rafales »…



Autorisons-nous aujourd’hui à questionner le rôle des partis politiques dans l’organisation du pouvoir politique.



N’est-ce pas autour d’eux que s’organise la vie institutionnelle politique ? Leur fonctionnement n’est-il pas de type pyramidal ? Toute structure/organisation n’a-t-elle pas sa propre logique interne qui est de croître ? Cette logique ne prend-elle pas rapidement le pas sur l’intérêt général dans cette vie politique professionnalisée ? Combien de militant(e)s participent réellement à la vie de leur organisation ? Quelle est la représentativité des partis politiques par rapport à l’ensemble des contemporains qui, bons enfants, participent à leur fonctionnement via les subventions distribuées par l’Etat au prorata du nombre de suffrages obtenus lors d’élections ?

En externe ce type de fonctionnement ne se traduit-il pas par une démarche descendante selon un schéma pré établi que les militant(e)s vont décliner pour apporter la « bonne parole » et convaincre celles/ceux qui sont supposés ne pas savoir ? Et cela, en dehors des qualités humaines des militant(e)s. Et en dehors du « tous pourris » ou autre complot.

Et en même temps interrogeons-nous sur l’autre versant, celui des gens de peu, qui laissent faire, n’est-ce pas alors s’en remettre à l’homme/femme providentiel/le, et/ou au représentant(e) ? 

Cette organisation pyramidale s’étend aussi à d’autres structures syndicales, voire associatives. Chaque organisation, au nom de l’expertise dans son domaine, participe à reproduire le modèle de cette a-société où l’on vit séparé et non ensemble.

Autorisons-nous à questionner le mode de financement de différentes associations notamment via les subventions octroyées par les collectivités territoriales ?

Qu’en est-il du lien de dépendance qui peut se créer, même inconsciemment (don et contre don), lors de l’attribution de telles subventions ? Quel est l’impact sur la pérennité de la structure ? Sur leurs objectifs ? Et pour le donateur quel bénéfice peut-il en tirer ? Cela ne participe-t-il pas aussi du clientélisme ?

Ne pourrions-nous pas porter le débat sur la place publique en d’autres termes : D’où vient l’argent permettant l’octroi des subventions ? Cet argent n’est-il pas notre bien commun et nulle oligarchie même locale ne peut le confisquer et l’attribuer en fonction du degré de soumission de la structure.

Autorisons-nous encore à questionner le fonctionnement des coopératives actuelles ? Combien de coopérateurs participent réellement aux décisions quant à leur fonctionnement, et/ou aux décisions concernant les investissements ?

Aujourd’hui le mot démocratie se confond avec ce seul modèle qui s’est/a été imposé aux peuples de la planète. Ce modèle n’est même plus discuté/disputé. Or d’autres modes d’organisation de la vie politique ont existé, notamment le tirage au sort pour le dire vite.

Au nom de quoi ne serions-nous pas capables d’inventer, de créer et de soumettre à expérimentation ?

Prenons le mouvement des peuples qui ont fait le printemps arabe, avons-nous suffisamment mesuré à travers nos standards du monde occidental le courage de ces gens de peu qui ont vaincus leurs peurs et ont osé affronter le tyran en Tunisie et en Egypte notamment ? Et combien ce mouvement porté par les gens ordinaires pour regagner leur dignité a été confisqué/détourné via les élections organisées par d’autres qu’eux.

A tel point, que restant à la surface des choses, certain(e)s commentateurs parlent aujourd’hui d’automne voire d’hiver, pour eux la révolution a échoué, la page est déjà tournée et on passe à autre chose.

Comme s’il suffisait de tourner dans l’instant une page en suivant les canons de ce monde occidental et/ou abattre un mur pour reprendre l’autre schéma relatif au grand soir.

Et si la page ouverte par les gens de peu notamment en Tunisie, en Egypte, et ailleurs, restait à écrire au jour le jour, débarrassée de l’instantanéité qui sied si bien à cette modernité et/ou aux promesses des lendemains radieux dans l’autre version ? La dignité retrouvée, la peur vaincue, et même s’ils ne peuvent pas suivre le calendrier fixé par d’autres qu’eux, le mouvement ne s’arrêtera pas, avec des avancées et des reculs, des erreurs aussi, dont nous apprendrons tous, là-bas et ici. Entendons à nouveau la pensée de G.Deleuze : « c’est aux devenirs révolutionnaires qu’il faudrait croire plutôt qu’à l’avenir des révolutions ».

Ce mouvement de mouvements dont la philosophie est partagée par le mouvement « Democratia Real Ya » du 15 mai (15M) en Espagne, dans les mobilisations en Grèce, Portugal et ailleurs en dehors des « sunlights », en passant par « Occupy Wall Street », lie/relie les gens de peu. Où partout dans le monde les peuples tentent de se frayer un chemin au quotidien pour (re) donner sens au mot démocratie car elle est/reste partout en danger. Cela prend/prendra du temps, voilà un facteur essentiel pour le plein exercice de notre puissance d’agir.

Autorisons-nous à mettre en tension « pouvoir : qui n’est que faire faire » et « puissance d’agir qui est : penser/faire par nous-mêmes »

Certain(e)s se sentent obligé(e)s d’ajouter « réelle et maintenant » au mot démocratie tant elle a été, et est, bafouée, ici et là-bas.



                                         Etablir une nouvelle constitution ? Et quid du pouvoir ?

Constitution établie par qui ? Par une constituante élue selon les mêmes critères qu’actuellement ? Par tirage au sort ? Pour partie ? En totalité ? Ratifiée ensuite par le peuple ?



En Islande une constitution a été rédigée par une assemblée tirée au sort au sein de la population parmi des gens volontaires, cela a pris plus de deux ans. Six propositions ont été extraites de ce projet par le gouvernement, puis soumises à référendum. Elles ont été adoptées par les deux tiers de la moitié des électeurs avec cependant une moindre participation à ce vote par rapport aux référendums précédents lorsque les citoyens avaient refusé d’avaliser les indemnisations négociées par leur gouvernement en faveur des créanciers étrangers.

Or cette décision populaire reste encore subordonnée à l’appréciation du parlement pourtant désavoués à deux reprises lors des négociations avec le FMI et l’UE ?

Au Venezuela où figure pourtant dans la constitution un début de démarche ascendante, via la mise en place de conseils communaux qui vient « côtoyer » la démarche descendante classique, ne va pas de soi. Parce que d’une part cette démarche reste soumise au bon vouloir du président, via ses représentant(e)s, président certes élu démocratiquement selon les standards en vigueur. Et d’autre part on assiste à un manque de participation des gens de peu aux assemblées et ainsi le processus semble s’étioler sur la durée, du moins jusque là.

Cette démarche de mise en tension de deux légitimités est pourtant porteuse de sens, elle doit nous interroger quant à la difficulté à mettre en mouvement les gens ordinaires à travers une démarche qui porte pourtant sur l’organisation de leur quotidien. Difficultés que nous constatons tout autant ici.

Ainsi, ici aussi, interrogeons-nous sur le fait qu’aussi belle soit-elle la nouvelle constitution promise, comme les différents textes qui définissent les libertés fondamentales et les droits fondamentaux sur le papier, changera-t-elle, changeront-ils, réellement l’exercice du pouvoir et l’effectivité des droits ?

Le pouvoir est-il resté longtemps aux mains des soviets ? Quatre ans après (1921) la révolte des marins de Cronstadt a été écrasée dans le sang. 

Aujourd’hui encore certain(e)s misent sur le rôle des minorités agissantes, des masses critiques; ne se referment-elles pas dans une nasse critique ?

En d’autres termes, et en dehors des qualités et de la sincérité des personnes, « prenons-nous le pouvoir ou est-ce le pouvoir qui nous prend ? »

Travaillons à sortir de ce « nous » et « eux », sortir de ce « nous » et « vous » pour (re)construire le nous, où chacun(e) a sa place et apporte selon ses possibilités. Et où, bien que différents, nous sommes en même temps égaux.

Et si, plus sûrement, rien n’était durablement inscrit/acquis ? Et si sans irruption des gens de peu au quotidien toute prise de pouvoir était illusoire et dangereuse ?

Et s’il fallait sortir de la centralité du travail, autre asservissement au/du pouvoir, pour retrouver le sens de l’œuvre ?

Explorer ainsi la piste du Revenu Inconditionnel d’Existencepour libérer du temps, et prendre le temps de la délibération collective pour (re) donner sens à nos existences, singulières et collectives ?

Entendons Jacques Rancière à propos de la démocratie : Elle n’est fondée dans aucune nature des choses et garantie par aucune forme institutionnelle. Elle n’est portée par aucune nécessité historique et n’en porte aucune. Elle n’est confiée qu’à la constance de ses propres actes. La chose à de quoi susciter la peur donc de la haine, chez ceux qui sont habitués à exercer le magistère de la pensée. Mais chez ceux qui savent partager avec n’importe qui le pouvoir égal de l’intelligence, elle peut susciter à l’inverse du courage, donc de la joie. (Dans « La haine de la démocratie », p.106).

                                                             Désobéir de façon non violente et faire sécession ?

Lorsque la loi devient trop injuste, et est source de violences, devons-nous participer davantage à notre propre asservissement ? Pour retrouver notre dignité ne devons-nous pas sortir des cases que d’autres nous ont assignées ? Et nous infiltrer de façon non violente dans chaque espace de liberté qui nous reste.

Face à la brutalité et au langage guerrier employé depuis des lustres par chaque camp, nous refusons la violence, celle exercée par le marché, comme celle de la majorité, versus la dictature du prolétariat.On ne change pas de société en empruntant les méthodes de celle qui ne veut pas mourir, et parce que la violence appelle la violence.Entendons Albert Einstein : « Un problème créé ne peut être résolu en réfléchissant de la même manière qu'il a été créé ».

Aujourd’hui nous voulons (re) chercher, chacun(e) et ensemble, notre part de féminité, de sensibilité, et de doutes.

Ne devons-nous pas vaincre nos peurs, ici aussi, reprendre confiance en nos capacités et libérer ainsi nos potentialités individuellement et collectivement, (re) faire l’école et l’école buissonnière et retrouver notre esprit critique.

C’est-à-dire, faire dès maintenant un pas sur le côté pour faire « autre chose et autrement » et ne plus faire à l’identique, ni contre. Et faire des allers/retours entre cette société éclatée, violente et triste et «les en dehors».

Travailler au quotidien ces «en dehors», sur la durée, pour (re) donner sens à nos existences et (re) construire une société décente. Entendons le manifeste des neufs intellectuels antillais (dont l’un d’entre eux nous a quitté depuis) publié en  février 2009, au moment des mouvements des peuples aux Antilles : « Dès lors, derrière le prosaïque du "pouvoir d'achat" ou du "panier de la ménagère", se profile l'essentiel qui nous manque et qui donne du sens à l'existence, à savoir : le poétique ».

C’est faire/penser de façon horizontale, sans chef, ni porte parole et nous débarrasser de tous les oripeaux liés au pouvoir parce que le pouvoir n’est jamais que la dictature d’une minorité sur d’autres minorités.

C’est établir de nouvelles règles pour nous organiser. Nous disons «auto organisation»et non pas «auto gestion»car dans cette dernière expression c’est une fois de plus l’économique qui prime alors que nous voulons selon la formule de (K.Polanyi), ré encastrer l’économie dans le Politique.

Il n’y a pas un seul type d’organisation (pyramidal) mais probablement autant de façon de s’organiser que d’actions à construire avec les gens de peu, c’est-à-dire nous (« sans guillemets »).

Lorsque nous nous associons et/ou lorsque nous créons une coopérative d’entraide par exemple, nul besoin de faire des copié/collé de statuts qui vont institutionnaliser la structure et pervertir ce pour quoi elle a été construite.

Notre contrat sera fondé sur la confiance que nous avons les uns envers les autres, entre nous et autour de nous, parce que notre façon de nous organiser montre le chemin que nous voulons explorer, expérimenter et de nos erreurs nous apprendrons ici, comme des façons de faire de là-bas. Entendons Gandhi « la fin est dans les moyens comme l’arbre est dans la graine ».

C’est faire par nous-mêmes, en réinterrogeant nos «savoir faire» et nos «savoir être» et parce que nous ne pouvons pas tout savoir nous ferons appel à des experts, que nous choisirons, capables d’exprimer des points de vues différents/divergents, pour les mettre en tension, et nous soumettrons nos prises de décisions à expérimentation.

C’est se (re) mettre en marche de « communes » en « communes », parce que nous voulons mettre en partage nos expérimentations et nous enrichir des expériences des Autres ; et non pas nous replier sur nous-mêmes, ni vivre en autarcie.

A l’objection, justifiée, en partie, qui est celle de «l’échelle», en quoi aujourd’hui la prétendue représentation élective apporte-t-elle un levier pour travailler la démocratie ?

C’est aussi tout autant se réapproprier le temps, et prendre le temps, c’est faire l’éloge de la lenteur parce que nous voulons ré enchanter nos vies. Parce que nous aimons la vie, nous voulons rêver, créer.

C’est (ré) apprendre à mettre en tension, et non dépasser systématiquement, deux positions contradictoires à partir d’un principe d’égalité où « ce n’est pas ma solution, ce n’est peut-être pas davantage la tienne ». Nous pouvons parfois dépasser les contradictions et parfois nous continuerons dans ce que P-J Proudhon appelle l’équilibration des contraires dans une dynamique infinie des contradictions sans prétendre abolir les contradictions dans une société meilleure.



Ainsi n’est-ce pas redonner sens au mot démocratie, et à celui d’émancipation ?



S’émanciper, entendons encore Gandhi : « Sois le changement que tu voudrais voir advenir »,et non émanciper.

S’émanciper individuellement car personne (homme/femme providentiel/le, argent, dieu ou autre) ne nous émancipera à notre place. Et collectivement, car aucun être humain ne peut s’épanouir seul dans son « coin » tout en travaillant nos inévitables et nécessaires contradictions.

 Fraternellement Claude Ramin

OPDLM / MRIE

 

Texte de Michel Peyret notre correspondant pour ouvrir une réflexion sur "Que nous évoque le terme DEMOCRATIE dans notre société actuelle ? "

3 février 2011

 

 

JE SUIS REPRESENTE, EST-CE QUE JE SUIS?

 

 

S'agissant de la représentation politique, Cornélius Castoriadis, que je vais faire parler aujourd'hui(1), commençait par se référer à Jean-Jacques Rousseau.

« Jean-Jacques Rousseau, disait Cornélius Castoriadis peu avant sa mort, écrivait que les Anglais, au 18ème siècle croient qu'ils sont libres parce qu'ils élisent leurs représentants tous les cinq ans.

« Effectivement, ils sont libres, mais un jour sur cinq ans!

« En disant cela, Rousseau sous-estimait indûment son cas. Parce qu'il est évident que même ce jour sur cinq ans, on n'est pas libre.

« Pourquoi? », poursuivait-il.

« Parce que l'on a à voter pour des candidats présentés par des partis. On ne peut pas voter pour n'importe qui.

« Et l'on a à voter à partir de toute une situation réelle fabriquée par le Parlement précédent et qui pose les problèmes dans les termes dans lesquels ces problèmes peuvent être discutés et qui, par là-même, impose des solutions, du moins des alternatives de solution, qui ne correspondent presque jamais aux vrais problèmes. »

 

LA REPRESENTATION, C'EST L'ALIENATION

DE LA SOUVERAINETE DES REPRESENTES

 

En effet, Castoriadis considère que généralement la représentation signifie l'aliénation de la souveraineté des représentés.

Le Parlement n'est pas contrôlé. Il est contrôlé au bout de cinq ans avec une élection, mais la grande majorité du personnel politique est pratiquement inamovible. En France un peu moins. Ailleurs beaucoup plus. Aux Etats-Unis, par exemple, les sénateurs sont en fait des sénateurs à vie.

Et cela viendra aussi en France.

 

UN LOBBY DE SENATEURS, CELA S'ACHETE

 

Pour être élu aux Etats-Unis, il faut à peu près 4 millions de dollars. Qui vous donne ces 4 millions? Ce ne sont pas les chômeurs. Ce sont les entreprises. Et pourquoi les donnent-elles? Pour qu'ensuite le sénateur soit d'accord avec le lobby qu'elles forment à Washington pour voter les lois qui les avantagent et ne pas voter les lois qui les désavantagent.

« Il y a là la voie fatale des sociétés modernes », poursuivait Castoriadis, « on le voit se faire en France, malgré toutes les prétendues dispositions prises pour contrôler la corruption. La corruption des responsables politiques, dans les sociétés contemporaines, est devenue un trait systémique, un trait structurel. Ce n'est pas anecdotique. C'est incorporé dans le fonctionnement du système, qui ne peut pas tourner autrement. »

 

VOTER POUR LE MOINDRE MAL

 

De plus en plus, ajoute Castoriadis, on voit se développer, dans le monde occidental, un type d'individu qui n'est plus le type d'individu d'une société démocratique ou d'une société où l'on peut lutter pour plus de liberté, « mais un type d'individu qui est privatisé, qui est enfermé dans son petit milieu personnel et qui est devenu cynique par rapport à la politique. »

« Quand les gens votent, explique Castoriadis, ils votent cyniquement. Ils ne croient pas au programme qu'on leur présente, mais ils considèrent que X ou Y est un moindre mal par rapport à ce qu'était Z dans la période précédente.

 

DE L'AUTONOMIE EN PHILOSOPHIE

 

A ce point de son discours, il apparaît déjà évident que Cornélius Castoriadis a une tout autre conception, par delà celle de l'individu privatisé, de ce qu'il appelle « l'autonomie en politique. » (2)

Pour lui, la philosophie n'est pas philosophie si elle n'exprime pas une pensée autonome.

Que signifie « autonome », questionne-t-il

« En philosophie, c'est clair: se donner à soi-même sa loi, cela veut dire qu'on pose des questions et qu'on accepte aucune autorité. Pas même l'autorité de sa propre pensée antérieure.

« L'autonomie, poursuit-il, dans le domaine de la pensée, c'est l'interrogation illimitée: qui ne s'arrête devant rien et qui se remet elle-même constamment en cause.

« Cette interrogation n'est pas une interrogation vide: une interrogation vide ne signifie rien. Pour avoir une interrogation qui fait sens, il faut déjà qu'on ait posé comme provisoirement incontestables un certain nombre de termes. Autrement il reste un simple point d'interrogation, et pas une interrogation philosophique. L'interrogation philosophique est articulée, quitte à revenir sur les termes à partir desquels elle a été articulée. »

 

QU'EST-CE L'AUTONOMIE EN POLITIQUE?

 

Pour Castoriadis, presque toutes les sociétés humaines sont constituées dans l'hétéronomie, c'est-à-dire dans l'absence d'autonomie.

« Cela veut dire, dit-il, que bien qu'elles créent toutes, elles-mêmes, leurs institutions, elles incorporent dans ces institutions l'idée incontestable pour les membres de la société que cette institution n'est pas oeuvre humaine, qu'elle n'a pas été créée par les humains, en tout cas pas par les humains qui sont là en ce moment.

« Elle a été créée par les esprits, par les ancêtres, par les héros, par les Dieux; mais elle n'est pas l'oeuvre humaine. »

Ainsi, dans la religion hébraïque, le don de La Loi par Dieu à Moïse est-il écrit, explicité. Il y a des pages et des pages dans l'Ancien Testament qui décrivent par le détail la réglementation que Dieu a fournie à Moïse.

Et toutes ces dispositions, il ne peut être question de les contester: les contester signifierait contester soit l'existence de Dieu, soit sa véracité, soit sa bonté, soit sa justice.

Il en va de même pour d'autres sociétés hétéronomes.

 

LA RUPTURE GRECQUE

 

Pour Cornélius Castoriadis, la grande rupture qu'introduisent, sous une première forme, la démocratie grecque, puis, sous une autre forme, plus ample, plus généralisée, les révolutions des temps modernes et les mouvements démocratiques révolutionnaires qui ont suivi, c'est précisément la conscience explicite que nous créons nos lois, et donc que nous pouvons aussi les changer.

« Les lois grecques anciennes commencent toutes par la clause « il a semblé bon au conseil et au peuple. »

« Il a semblé bon », et non pas « il est bon. »

« C'est ce qui a semblé bon à ce moment-là.

« Et dans les temps modernes, on a, dans les Constitutions, l'idée de souveraineté des peuples. Par exemple, la Déclaration des droits de l'homme française dit en préambule: « La souveraineté appartient au peuple qui l'exerce, soit directement, soit par le moyen de ses représentants. »

Et Castoriadis fait remarquer, et cette remarque n'est pas anodine, que le « soi directement » a disparu par la suite, et que nous sommes restés avec les seuls « représentants ».

 

L'AUTONOMIE COLLECTIVE ET INDIVIDUELLE

 

Reste qu'il y a une autonomie politique.

Pour Castoriadis, « cette autonomie politique suppose de savoir que les hommes créent leurs propres institutions » et que « cela exige que l'on essaie de poser ces institutions en connaissance de cause, dans la lucidité, après délibération politique.

« C'est ce que j'appelle, dit-il, l'autonomie collective, qui a comme pendant absolument inéliminable l'autonomie individuelle.

« Une société autonome ne peut être formée que par des individus autonomes. Et des individus autonomes ne peuvent vraiment exister que dans une société autonome.

« Pourquoi cela? », interroge-t-il, pour y répondre tout aussitôt.

« Il est assez facile de le comprendre. Un individu autonome, c'est un individu qui n'agit, autant que c'est possible, qu'après réflexion et délibération. S'il n'agit pas comme cela, il ne peut être un individu démocratique, appartenant à une société démocratique. »

 

EN QUEL SENS SOMMES-NOUS LIBRES?

 

Et Castoriadis interroge à nouveau: « En quel sens un individu autonome, dans une société comme je la décris, est-il libre? En quel sens sommes-nous libres aujourd'hui?

« Nous avons un certain nombre de libertés qui ont été établies comme des produits ou des sous-produits de luttes révolutionnaires du passé.

« Ces libertés ne sont pas seulement formelles, comme le disait à tort Karl Marx: que nous puissions nous réunir, dire ce que nous voulons, ce n'est pas formel.

« Mais c'est partiel, c'est défensif, c'est, pour ainsi dire, passif.

« Comment puis-je être libre dans une société qui est gouvernée par une loi qui s'impose à tous?

« Cela apparaît comme une contradiction insoluble et cela en a conduit beaucoup à dire que cela ne pouvait exister, et d'autres, comme les anarchistes, prétendront que la société libre signifie l'abolition complète de tout pouvoir, de toute loi, avec le sous-entendu qu'il y a une bonne nature humaine qui surgira à ce moment là et pourra se passer de toute règle extérieure.

« Cela est, à mon avis, dit Castoriadis, une utopie incohérente.

« Je peux dire que je suis libre dans une société où il y a des lois, si j'ai la liberté effective (et non seulement sur le papier) de participer à la discussion, à la délibération et à la formation de ces lois. Cela veut dire que le pouvoir législatif doit effectivement appartenir à la collectivité, au peuple.

 

L'AVENIR DE CE PROJET DE L'AUTONOMIE

 

Pour Castoriadis, cet avenir dépend de l'énorme majorité des êtres humains. Il considère que l'on ne peut plus parler en terme de classe privilégiée qui serait par exemple le prolétariat industriel, devenu depuis longtemps, très minoritaire dans la population.

« On peut dire en revanche, ajoute-t-il, et c'est ce que je dis, que toute la population, sauf 3% de privilégiés au sommet, aurait un intérêt personnel à la transformation radicale de la société dans laquelle elle vit.

« Mais ce que nous observons depuis une cinquantaine d'années, c'est le triomphe de la signification imaginaire capitaliste, c'est-à-dire d'une expansion illimitée d'une prétendue maîtrise prétendument rationnelle; et l'atrophie, l'évanescence de l'autre grande signification imaginaire des temps modernes, c'est-à-dire de l'autonomie. »

Est-ce que cette situation sera durable?

Est-ce qu'elle sera passagère?

Nul ne peut le dire. Il ne peut y avoir de prophétie dans ce genre d'affaires.

 

PEUT-ON METTRE FIN A L'ATROPHIE ACTUELLE DE L'AUTONOMIE

 

« La société actuelle, poursuit Castoriadis, n'est certainement pas une société morte. On ne vit pas dans Byzance ou dans la Rome du 5ème siècle ( après J.-C.). Il y a toujours quelques mouvements. Il y a des idées qui sortent, qui circulent, des réactions.

« Elles restent très fragmentées et très minoritaires par rapport à l'immensité des tâches qui sont devant nous.

L'ARTICULATION DES TROIS PARTIES DE LA SOCIETE

 

Castoriadis rappelle que du point de vue de l'organisation politique, une société s'articule toujours en trois parties:

-1) Ce que les Grecs auraient appelé la « maison », la famille, la vie privée.

-2) L'agora, l'endroit public-privé où les individus se rencontrent, où ils discutent, où ils échangent, où ils forment des associations ou des entreprises, où l'on donne des représentations de théâtre, privées ou subventionnées, peu importe...

-3) Le lieu public-public, le pouvoir, le lieu où s'exerce, où existe, où est déposé le pouvoir politique...

« Le libéralisme actuel, poursuit Castoriadis, prétend qu'on peut séparer entièrement le domaine public du domaine privé.

« Or, c'est impossible, et prétendre qu'on le réalise est un mensonge démagogique. Il n'y a pas de budget qui n'intervienne pas dans la vie privée publique, et même dans la vie privée...

« De même, il n'y a pas de pouvoir qui ne soit pas obligé d'établir un minimum de lois restrictives: posant par exemple que le meurtre est interdit ou, dans le monde moderne, qu'il faut subventionner la santé ou l'éducation.

« Il doit y avoir dans ce domaine une espèce de jeu entre le pouvoir public et l'agora, c'est-à-dire la communauté. »

 

SEULEMENT DANS UN REGIME VRAIMENT DEMOCRATIQUE

 

Mais, conclut-il, ce n'est vraiment que dans un régime vraiment démocratique qu'on peut essayer d'établir une articulation correcte entre ces trois sphères, préservant au maximum la liberté privée de l'agora, c'est-à-dire des activités publiques communes des individus, et qui fasse participer tout le monde au pouvoir public.

Alors que ce pouvoir public appartient à une oligarchie et que son activité est clandestine en fait, puisque les décisions essentielles sont toujours prises dans la coulisse.

 

Ce choix de Cornélius Castoriadis en faveur de l'autonomie politique a fait l'objet de critiques de penseurs qui se référaient davantage à Marx. Je ne pense pas que ce débat doit être ignoré, il ne peut être que le moyen d'approfondir la connaissance des uns et des autres dans leurs originalités contre toute forme de pensée unique en la matière. Je pense que nous aurons l'occasion d'y revenir.

 

  1. Décédé le 26 décembre 1997, année où Lionel Jospin devient Premier ministre, Cornélius Castoriadis, philosophe et analyste, était l'une des figures les plus fortes de la vie intellectuelle française. Grec de naissance, il est arrivé en France en 1945 à Paris, où il a animé la revue « Socialisme ou Barbarie ». En 1968, il publie, avec Edgar Morin et Claude Lefort, « Mai 68, la brèche ». A la fin des années 70, il participe à la revue « Libre ». A côté de son maître ouvrage, « L'Institution imaginaire de la société » (1985), il est l'auteur d'autres livres fondamentaux, regroupés en une série commencée en 1978, « Les Carrefours du Labyrinthe ».

  2. Cornélius Castoriadis titre son article: « De l'autonomie en politique ». Le texte est issu des propos tenus lors d'une rencontre organisée à Toulouse le 22 mars 1997, année de sa mort, conjointement par la Librairie Ombres Blanches, le Théâtre Daniel-Sorano et le GREP Midi-Pyrénées. Deux versions ont été réalisées à partir des propos tenus lors de cette rencontre.